Description:
Dans le passé, à plusieurs reprises, des crises ont affecté les milieux des Hautes Terres de l’Ouest-Cameroun. Celle qui se déroule à Batié tranche avec les déséquilibres antérieurs, car ici, ce ne sont pas les dysfonctionnements naturels qui sont en cause, mais un processus «anthropogénique» se traduisant par le déblaiement systématique des formations superficielles. Organisés en véritables PME, les exploitants de sable excavent, sur plusieurs fronts, les versants d’une région présentée comme l’un des fleurons du tourisme des Hautes Terres de l’Ouest. Cette exploitation minière du sable a considérablement dégradé les paysages et a conduit à l’impraticabilité des parcours des éleveurs. Au delà de la dégradation du milieu, il s’agit de la perte d’un patrimoine à la fois touristique et écologique. De plus, le dépérissement inquiétant des raphiales résultant de l’arrivée des boues issues du lavage des arènes représente un problème de perte de biodiversité, et surtout de destruction d’un patrimoine culturel voire identitaire. Cette activité bénéficie de facteurs physiques et socio-économiques, dont un cadre morphostructural propice, caractérisé par la présence d’un granite porphyroïde très tectonisé. Le contexte socio-économique joue par la crise récente et une population locale dont les capacités d’adaptation aux nouveaux enjeux et défis sont bien connues. De plus, son élite est l’une des plus entreprenantes de l’Ouest du Cameroun, comme en témoigne le développement récent des villas cossues dont la construction dépend en grande partie des produits des sablières de Batié. Cette activité extractive tend à reléguer au second plan l’agriculture. La situation est aussi préoccupante car aucune disposition réglementaire n’est appliquée pour la canaliser et il serait illusoire, dans le contexte actuel de la proscrire, tant les enjeux économiques et sociaux en présence sont considérables. Comment faire prendre conscience de la réalité de la dégradation du milieu consécutive à cette extraction tant par les populations locales pour qui la terre n’est plus forcément un support de production agricole, que par l’élite extérieure et l’État ? Cette contribution a pour but de faire enfin réaliser à tous les acteurs que s’accumulent à Batié les ingrédients d’une dégradation irréversible d’un patrimoine riche et varié.